Elliot Grandin : « J’aimerais revenir à d’Ornano en tant que supporter »

Grandin

À deux jours de la rencontre opposant le SM Caen et le Grenoble Foot 38, l’occasion se présente de prendre des nouvelles d’Elliot Grandin, lui qui a évolué en Ligue 1 avec les deux clubs. Le troisième plus jeune buteur de l’histoire du SMC, qui a connu la Premier League avec Blackpool et la Ligue des Champions avec l’OM, plonge pour Malherbe Inside dans ses souvenirs depuis la Réunion, où il a rejoint un des plus gros clubs de l’île.

Tu es vraiment un produit du club : tu nais à Caen, tu grandis à Caen, tu commences à l’Avant-Garde avant de rejoindre le Stade Malherbe dès 1996. À quoi ressemble ta formation ?

J’ai pratiquement fait toute ma jeunesse au Stade Malherbe. Nous avons été champions de France en benjamins contre le Lyon de Karim Benzema, en poussins nous avions perdu en finale contre eux. Tout s’est toujours très bien passé au sein du club. De l’année 1987, Benoît Costil et moi sommes les seuls à être passés professionnels mais ma génération regroupait aussi les 1986 de Yoan Gouffran. Et Youssef El-Arabi est de 1987 également mais il est arrivé plus tard.

Ta première apparition en pro remonte à mai 2005, lors de la dernière journée de la saison à Istres. Tu as 17 ans et demi. Débuter si jeune est devenu fréquent aujourd’hui, mais à l’époque c’est particulièrement rare.

C’est vrai que 17 ans c’est rare à cette époque. Et ce n’était même pas prévu, parce que j’évolue alors avec la réserve et j’ai déjà fini ma saison. Je reçois un coup de fil du club et il faut vite que je me rende à Istres le jour-même, mais je ne suis pas à Caen sur le moment donc c’est toute une logistique (rires)… Finalement je peux rejoindre l’équipe à temps. C’est une fierté de pouvoir débuter en professionnel avec le club de sa ville natale, surtout que j’ai toute ma famille et mes amis dans la région. Une immense fierté.

À Istres tu commences par un match très particulier, avec le maintien en Ligue 1 encore accessible en cas de bon résultat, mais finalement une défaite et la relégation…

Très particulier pour moi, parce que j’ai ce double sentiment. La joie d’effectuer mes débuts en professionnel, et la tristesse à la fin du match parce qu’il y a la descente au bout. Surtout que je fais une bonne rentrée, j’ai un but refusé, donc c’est encourageant pour mes débuts. Mais tout le groupe est attristé par la descente. C’était un peu mitigé.

Elliot Grandin félicité par Grégory Proment lors de la victoire 5-0 contre Bordeaux en 2007 (crédit photo : iconsport)

Ensuite c’est la confirmation, tu intègres la rotation en Ligue 2, tu vis même la remontée en 2007. Quels souvenirs gardes-tu de toute cette période ?

J’en garde un très bon souvenir, parce qu’on a un super groupe qui vit vraiment bien. Les jeunes se mélangent aux plus anciens, il y a une bonne alchimie, pas de clans, et ça se ressent sur le terrain. Ça se chambre beaucoup et il y a vraiment une bonne ambiance, tout le monde vit bien ensemble, tout le monde parle avec tout le monde. En fait c’est une bande de potes. Je suis le plus jeune donc tous me prennent sous leur aile et essaient de me conseiller, Brahim Thiam, Greg Proment, Jé Sorbon, Yo Gouffran, Julien Toudic, même Stéphane Samson et Lilian Compan… D’ailleurs je suis toujours en contact avec Lilian. Quand on part en stage de pré-saison on vit des moments inoubliables, avec Jean-Marc Branger aussi. Ce sont de belles années et je pense que si on demande à tous ceux qui étaient présents dans ce groupe, ils diront la même chose que moi. Même aujourd’hui, beaucoup de joueurs de l’époque sont restés proches les uns des autres.

Dans les mémoires, il y a aussi ton départ à l’OM en janvier 2008, avec le club qui veut à tout prix te faire prolonger, toi qui refuses et Franck Dumas qui te reproche un supposé manque de professionnalisme, qui parle à la presse de sorties en boîte de nuit les veilles de matchs… Malheureusement c’est ce que beaucoup retiennent de ton passage, encore aujourd’hui. Mais ça a dû être difficile pour toi que ça se finisse comme ça, surtout à 21 ans.

C’est dommage parce que Caen reste mon club formateur, j’y ai passé toute ma jeunesse, j’ai pu sortir professionnel là-bas. Malgré tout, ils réussissent à me vendre et ils touchent une indemnité de transfert, je ne pars pas libre non plus. Le club faisait le forcing pour me prolonger mais j’étais jeune et c’était un rêve aussi pour moi de jouer à Marseille en Ligue 1, donc on ne peut pas m’en vouloir pour ça. J’aurais souhaité que ça se passe différemment, d’autant que cette histoire m’a beaucoup suivi et m’a mis des bâtons dans les roues. Beaucoup de gens sont restés sur cet a priori, même des gens qui ne me connaissaient pas et qui n’ont jamais cherché à approfondir. Ça ne m’a pas empêché de faire mon chemin, mais on peut dire que c’était handicapant. On s’est eu au téléphone avec Dumas après que les déclarations soient sorties, mais depuis je n’en ai pas reparlé avec lui ou le président Fortin. C’était regrettable et je ne m’attendais pas du tout à ça de la part du club. Mais bon, je n’en veux à personne, chacun fait son chemin.

À Marseille tu commences fort, puis tu disparais peu à peu des plans d’Éric Gerets, et arrive ce prêt à Grenoble en janvier 2009. Tu débarques chez un promu, dans un groupe assez expérimenté dirigé par Mehmet Bazdarevic. Quels souvenirs gardes-tu de tes six mois au GF38 ?

J’arrive très jeune à l’OM, grosse équipe, grosse concurrence. Quand je joue j’essaie de m’exprimer au mieux. Je marque quelques buts, je suis très apprécié des supporters, d’ailleurs aujourd’hui je suis toujours très bien accueilli quand je vais à Marseille. Mais il y a beaucoup de monde à mon poste et des joueurs de renom, donc en tant que jeune je dois faire ma place. C’est compliqué mais j’arrive à grappiller du temps de jeu malgré tout. Par la suite, pour engranger de l’expérience en Ligue 1, je signe à Grenoble pour quatre mois. C’est très rapide, je joue une petite dizaine de matchs et dans la foulée je retourne à l’OM. Ça me fait un peu penser à Caen, un bon petit groupe qui joue le maintien en Ligue 1, avec de bons mecs qui ne se prennent pas la tête, simples, tranquilles. Il y a pas mal de joueurs d’expérience, David Jemmali, Laurent Batlles, Daniel Moreira, Nassim Akrour, Alaixys Romao… Il y a le jeune Sofiane Feghouli aussi. Une petite équipe sympa de Ligue 1, quoi.

Deux ans après ton passage il y a l’épisode du dépôt de bilan et de la rétrogradation en CFA 2. Le GF38 enchaîne alors plusieurs saisons de galère en amateur et retrouve finalement la Ligue 2 en 2018. As-tu continué de suivre Grenoble même après ton départ ?

Non pas du tout. J’apprends qu’il y a ce dépôt de bilan sans trop savoir ce qu’il s’est passé. Quand j’y étais, il y avait ces investisseurs japonais qui parlaient d’un nouveau stade et avaient plein de projets. Donc je suis un peu surpris. Mais ça arrive lorsque je suis en Angleterre, donc je ne suis plus trop.

Elliot Grandin sous les couleurs de l’Olympique de Marseille en 2008 (crédit photo : iconsport)

Après Grenoble tu pars à l’étranger, avec des hauts et des bas, de la Premier League à Blackpool jusqu’à des expériences plus compliquées comme à Astra Giurgiu.

Je commence par une très bonne expérience au CSKA Sofia, avec la Ligue Europa. Et six mois après je suis transféré en Premier League. J’ai quand même fait cinq ans en Angleterre. Le top au niveau du football, les stades, l’atmosphère… L’Angleterre, c’est l’Angleterre. Le summum. Puis ensuite, la Roumanie. C’est toujours compliqué, dans les clubs des pays de l’Est. Qu’est-ce que je peux en retenir ? Pas grand-chose (rires). Je joue la Ligue Europa, je vis une qualification contre Lyon, ça part bien puis ça se complique, au niveau des paiements, de la gestion… Je viens de passer cinq ans en Angleterre où tout est carré, et là, je me retrouve dans un fonctionnement totalement différent. Et ça ne me plaît pas forcément.

Suite à ce passage en Roumanie, tu reviens t’entraîner avec la réserve du Stade Malherbe, à l’été 2015.

Je suis dans le coin, avec la famille, et c’est mon pote Greg Proment qui est entraîneur de la réserve donc il m’accueille les bras ouverts. Je suis avec les jeunes du Stade, je replonge un peu dans le passé, ça me fait plaisir de refouler les terrains et ça me permet de garder la forme. D’ailleurs je remercie Greg et le club de m’avoir laissé m’entraîner, c’était très gentil de leur part et ça m’a fait plaisir de revoir certaines têtes qui étaient toujours là. Je n’avais pas eu beaucoup l’occasion de revenir en France depuis mon départ à l’étranger en 2010, donc j’en ai profité. En plus c’est une belle période pour le club. Et ce qui est marrant c’est que Syam Ben Youssef, qui était avec moi l’année d’avant à Astra, signe à Caen. Quelques années plus tard je vois éclore les petits jeunes de la réserve avec qui je gardais la forme, comme JV Makengo ou Yann Karamoh, même Jordan Tell aujourd’hui à Clermont. Il y en a d’autres, je n’ai plus tous les noms, mais ça m’a fait plaisir de voir ces jeunes passer professionnels. C’était une expérience sympa.

Le SMC a vécu une très belle période lors de la dernière décennie, puis la situation du club s’est dégradée depuis 2019, avec en point d’orgue ce maintien en Ligue 2 à la dernière journée au printemps dernier. Quel est ton regard de Caennais et d’ancien joueur du club sur tout ça ?

Comme toute ma famille et mes amis sont toujours dans le coin j’ai suivi ça, d’un peu loin mais je voyais que c’était très compliqué au niveau des résultats comme au niveau des entraîneurs. Il y avait beaucoup de spéculation autour du club, qui avait du mal à trouver son équilibre. Il y a eu aussi le départ du président. Je voyais que le club était en restructuration, que c’était compliqué, on avait même peur qu’il descende en National à un certain moment. Aujourd’hui je suis content qu’il ait pu éviter ça, mais c’est vrai qu’à un moment, c’était inquiétant.

Pour l’affrontement de ce week-end, les deux clubs sont dans le ventre mou, Malherbe 10e avec un point de plus que Grenoble, 14e.

Je ne vais pas mentir, je ne regarde pas trop la Ligue 2. Je vais sur des sites pour suivre les résultats, je jette toujours un œil mais je ne pourrais pas dire le classement. J’ai vu que ça avait bien commencé et que ça enchaînait les victoires, et je vois qu’en ce moment il y a une période un peu moins bien. Chaque fois que je regardais ces derniers temps c’était un nul ou une défaite, donc je ne savais pas trop où le club en était. Prince Oniangué était avec moi au centre de formation, parfois je regarde aussi les compositions pour voir s’il joue. Ça risque d’être compliqué d’aller chercher la montée cette année, non ? Les places sont à combien de points ?

Elliot Grandin avec Blackpool contre Manchester City (crédit photo : iconsport)

Le 2e, Sochaux, est déjà à 11 points, et le 5e et dernier qualifié pour les play-offs, Auxerre, est à 7 points.

Ah, ça va être compliqué alors. En plus si les deux équipes sont à un point ça va être un match serré, surtout que Grenoble jouait la montée l’an dernier, ils n’étaient pas trop mal ces deux dernières saisons. Ça risque d’être un match engagé. Mais si tu me demandes qui je supporte, je supporte le Stade Malherbe (rires) ! Aucun débat là-dessus. J’espère que Caen va gagner, que ça va être une belle victoire contre une bonne équipe de Ligue 2, et qu’il y aura une bonne ambiance à d’Ornano.

En ce moment tu joues à la Réunion, comment ça se passe pour toi ?

Tout se passe bien, tranquille. C’est la Réunion, c’est autre chose (rires) ! Ici il y a de bons joueurs mais très peu de visibilité, à part pour ceux qui évoluent dans les équipes nationales et qui peuvent éventuellement jouer la Coupe d’Afrique. On trouve beaucoup de bons petits joueurs un peu partout, mais c’est compliqué pour eux de se montrer vu que le championnat n’est pas télévisé et pas suivi hors de l’île. Ça reste local, rien à voir avec le monde professionnel. Puis géographiquement, pour faire des essais, c’est loin. Après ils ont eu l’occasion de se montrer avec la Coupe de France (en 2019-2020, la JS Saint-Pierroise et Elliot ont atteint les seizièmes de finale de la compétition après avoir notamment sorti Niort, ndlr). Il y a même un petit jeune, Ryan Ponti, qui a réussi à signer professionnel à Auxerre grâce à ça. C’est la belle histoire.

D’ailleurs nous avons un Réunionnais à Malherbe, l’arrière gauche Yoël Armougom.

Né à la Réunion, avec sa famille sur l’île ? D’accord ! Ici ce sont plus des Havrais, parce qu’ils avaient un partenariat avec le HAC (dont sont issus entre autres Dimitri Payet et Guillaume Hoarau, ndlr). Donc il y a beaucoup de Havrais, dans mon équipe par exemple il y a Christophe Mandanne, il y a deux ans il y avait Florent Sinama-Pongolle. Mais c’est les ennemis, Le Havre (rires) ! Non, on en rigole aujourd’hui. Ici c’est le plaisir.

Pour finir, as-tu un message à adresser aux supporters de Malherbe ?

Les supporters caennais ont toujours mis beaucoup de ferveur à d’Ornano. Caen est une terre de football et les supporters connaissent le football, ils en ont vu passer. Donc : qu’ils soient à fond derrière l’équipe comme ils l’étaient quand j’étais au club. C’était toujours très plaisant de fouler la pelouse de d’Ornano avec les supporters derrière, j’en garde un très bon souvenir. Les supporters ont toujours été très gentils, très agréables, et bien qu’ils aient vécu des moments difficiles ces dernières années ils sont toujours là. Je leur souhaite de revivre de bons moments au stade. Je leur fais un gros coucou, un gros bisou, et j’espère que j’aurai l’occasion de revenir à d’Ornano en tant que supporter, dans la tribune. Depuis que j’ai quitté le club, je ne suis jamais retourné dans le stade. Je passe souvent devant quand je viens à Caen voir la famille, ça m’arrive aussi d’aller marcher dans la rue de l’ancien centre de formation. Mais je n’ai jamais eu l’occasion d’aller voir un match depuis que je suis parti.

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