Pour la première fois depuis son départ de Normandie, Jan Repas se confie en exclusivité à un média français pour Malherbe inside. L’international slovène, qui affronte le Sheriff Tiraspol ce soir (20h15) pour la manche aller du 2e tour préliminaire de Ligue des Champions, revient en toute franchise sur ses trois saisons passées au SM Caen et raconte sa nouvelle vie au NK Maribor.
Malherbe inside – Tu as quitté le SM Caen il y a deux ans pour rejoindre le NK Maribor, le plus grand club slovène. Tu viens de remporter le championnat, et tu disputes actuellement les tours préliminaires de Ligue des Champions. Tout a l’air de très bien se passer pour toi en ce moment !
Jan REPAS – Il y a trois ans j’ai pris la décision de changer de club, parce qu’en France je n’avais pas beaucoup de temps de jeu. J’ai voulu partir quelque part où j’en aurais, et Maribor m’a appelé. Ils me voulaient. C’est le plus grand club ici en Slovénie, ils ont disputé la phase de poules de Ligue des Champions (deux fois depuis 2014), ils ont été en Ligue Europa (trois fois depuis 2011), c’est un très bon club. En ce moment nous jouons les qualifications pour la Ligue des Champions et tout se passe bien, nous venons de gagner mercredi dernier et nous sommes qualifiés pour le tour suivant. Donc oui, c’est une bonne période !
Vous avez éliminé le Shakhtyor Soligorsk, champion de Biélorussie, et vous enchaînez avec le Sheriff Tiraspol, le champion de Moldavie qui avait battu le Real Madrid au Santiago-Bernabéu l’an dernier. Comment tu le sens ?
Ça va être dur (rires), très dur. Mais nous avons quand même nos chances, car ils ont vendu beaucoup de joueurs parmi l’équipe qui a battu le Real Madrid.
À Maribor tu es utilisé devant la défense, où tu es un joueur-clé. Est-ce ton meilleur poste ? À Caen tu as été beaucoup baladé : à gauche, à droite, en 10, en second attaquant…
À Caen j’ai beaucoup bougé, oui (rires). J’ai commencé ailier, je suis passé milieu offensif… J’ai changé tout le temps. Quand je suis arrivé à Maribor, je leur ai dit que je voulais jouer au milieu, au poste de numéro 8, parce que je pensais que c’était le mieux pour moi. Maintenant j’ai un peu reculé, parce que nous sommes passés en 4-4-2. Je joue milieu défensif depuis un an environ.
Tu te sens mieux à ce poste qu’à tous ceux que tu as connus à Caen ?
Oui je m’y sens bien. Mais je suis persuadé que tant que tu joues, tu peux progresser. Quand tu engranges de la confiance, tout est beaucoup plus facile.
Pour revenir un peu en arrière, te rappelles-tu comment tu signes au Stade Malherbe en 2017 ?
Je disputais les qualifications pour la coupe d’Europe avec Domžale, et après quelques bons matchs, j’ai reçu un appel de mes agents qui m’ont dit que le SM Caen me voulait. Forcément j’ai accepté : c’était une bonne équipe et c’était la Ligue 1, un des meilleurs championnats du monde. J’étais très heureux de recevoir une telle offre, et après quelques discussions avec le directeur sportif de Domžale et mon agent, j’ai décidé de rejoindre le club.
« À Caen j’ai beaucoup bougé. J’ai commencé ailier, je suis passé milieu offensif… J’ai changé tout le temps. Quand je suis arrivé à Maribor, je leur ai dit que je voulais jouer au poste de numéro 8, parce que je pensais que c’était le mieux pour moi. »
Jan Repas
Passion couteau suisse.
À Domžale, où tu as suivi ta formation et où tu es passé professionnel, tu as joué avec Benjamin Morel, originaire de la région caennaise et ancien joueur du Stade Malherbe. Tu as pu échanger avec lui avant d’accepter l’offre ?
Au début je ne savais pas qu’il était de Normandie (rires), nous n’en avions jamais discuté. Mais après que j’aie rejoint le club, il m’a envoyé un message pour me dire qu’il vivait dans le coin et on a été prendre quelques verres ensemble.
C’est Luka Elsner qui t’a lancé en pro. Il vient de signer au Havre, tu l’as prévenu que la Normandie était rouge et bleu ?
Luka a été mon premier coach en professionnel, il a grandi à Nice donc il parle parfaitement français, c’est plus simple pour lui. C’est un très bon entraîneur qui a beaucoup progressé depuis ses débuts très jeune ici, à Domžale (il est devenu entraîneur principal à 30 ans). Il a changé certaines choses depuis, et je pense qu’il peut faire du bon travail là-bas car il a gagné en expérience. Mais il faut encore qu’il apprenne que la Normandie est rouge et bleu ! (rires)
Donc tu débarques en Ligue 1 à 20 ans, depuis le championnat slovène. Comment trouves-tu le niveau à ton arrivée ?
Le niveau de la Ligue 1 est bien sûr beaucoup plus fort qu’en Slovénie, tout y est plus rapide, plus physique. L’été où je suis arrivé, tout s’est enchaîné très vite. Nous avons joué beaucoup de matchs de qualification pour la Ligue Europa avec Domžale (quatre tours en aller-retour), où nous avons éliminé Fribourg, puis affronté Marseille. Je rejoins Caen, deux jours après mon arrivée je joue mon premier match, au même moment je reçois un appel pour intégrer l’équipe nationale A pour la première fois… Pour moi, tout a été comme un rêve qui devenait réalité. En à peine un mois, tout était nouveau. À cette époque j’étais encore très jeune, et quand j’y repense, il s’est passé beaucoup de choses cet été-là. Pour un gamin de Slovénie, ça a été très spécial.
Ça a peut-être été un peu trop vite ?
Avec le recul, je pense que oui. Personne ne sait ce que c’est de quitter un petit pays comme la Slovénie pour un grand pays comme la France, de disputer son premier match deux jours après être arrivé sur place, dans un grand championnat avec des superstars comme la Ligue 1… Au début ça a été dur de jouer, et dur de montrer ce que je pouvais faire. Je n’avais aucune expérience.
À ton arrivée à Caen, tu es annoncé comme une pépite. Est-ce que ça t’a mis la pression ?
Je n’ai pas ressenti de pression, je ne crois pas. Je savais que je pouvais évoluer hors de Slovénie, car en Slovénie, tous les bons joueurs partent au moins une fois jouer dans un meilleur championnat en Europe. J’étais conscient de ça, et je sentais que je pouvais le faire. Peut-être que sur le moment, tout s’est passé un peu vite. Mais ça a été une bonne expérience, j’ai énormément appris de tout ça.
Patrice Garande est l’entraîneur qui t’a le plus utilisé, avec lui tu as disputé une quinzaine de rencontres de Ligue 1 et pris part aux deux coupes. Comment était votre relation ?
J’avais une bonne relation avec le coach, et également avec le président, le directeur sportif, tous ceux de cette époque. Ce sont eux qui m’ont voulu, eux qui m’ont appelé et eux qui m’ont fait venir, donc au final ce sont eux qui m’ont le plus fait jouer. Si je me souviens bien, lors de ma première année j’ai beaucoup joué au début (12 matchs dont 11 titularisations entre septembre et décembre 2017), l’équipe tournait bien. Mais à partir de janvier beaucoup de choses ont changé, je n’ai plus beaucoup joué, d’autres joueurs ont eu leur chance, c’est le football.
« J’ai eu la chance qu’Ivan Santini soit là, car il connaissait le français. Mais les six premiers mois je ne comprenais rien du tout, c’était très dur. Au bout de six ou sept mois, j’ai commencé à comprendre des mots, des chiffres… »
Jan Repas
Découvre la langue de Molière.
Comment communiquiez-vous au sein du club ?
J’ai eu la chance qu’Ivan Santini soit là, car il connaissait le français. Mais au départ je ne connaissais rien et le français est une langue complètement différente du slovène, rien ne se ressemble. Les six premiers mois je ne comprenais rien du tout, c’était très dur. Au bout de six ou sept mois, j’ai commencé à comprendre des mots, des chiffres… Puis je prenais des cours, j’avais un professeur deux jours par semaine. À force j’ai progressé, et tout est devenu plus facile.
Lors de ta deuxième saison, alors qu’on s’attend à ce que tu confirmes en Ligue 1 après tous les départs en attaque et au milieu (Féret, Santini, Rodelin, Aït-Bennasser, Bessat, Bazile…), tu disparais sous Fabien Mercadal. Aucun match de championnat, une dizaine de minutes en Coupe de France, et tu passes la saison avec la réserve. Comment as-tu vécu cette situation ?
Cette deuxième saison a été difficile pour moi. J’étais tout seul en France, sans jouer en professionnel… Cette année-là, beaucoup de bons joueurs sont arrivés. Le président a changé. En fait, tout a changé. Mercadal et le président ont débarqué avec les joueurs qu’ils voulaient et ils les ont faits jouer, c’est normal. Puis je suis d’accord qu’ils avaient plus d’expérience. Mais c’était dur pour moi, même si je jouais quand même avec la réserve. D’ailleurs c’était une bonne chose pour moi de disputer ces matchs. Je gardais toujours l’espoir. Je m’entraînais dur, tous les jours, toutes les semaines, je donnais le meilleur aux entraînements et pour la réserve. Je faisais de mon mieux pour progresser et revenir en équipe première. Mais à la fin, je n’ai pas eu droit à une minute.
En fin de saison le SMC descend, Mercadal part, et tu fais ton retour dans le groupe pro en Ligue 2 avec Rui Almeida, qui semble te faire confiance dans un nouveau système. Comment ça se passe avec lui ?
La relation était bonne, il parlait bien anglais. J’espérais que peut-être cette année, j’allais pouvoir avoir ma chance. Mais quand la saison a commencé, il m’a dit que j’avais besoin de plus de physique, et que ce serait sans doute mieux pour moi que je parte quelque part où je pourrais jouer plus. Ça m’allait, mais nous n’avons pas trouvé de bonne solution pour moi, et à la fin du mercato j’étais toujours là, donc je suis resté. Je m’entraînais bien, je donnais le meilleur de moi-même et j’ai quand même eu quelques opportunités, j’ai disputé des matchs en Ligue 2. Ce n’était pas parfait, mais ça allait. Sauf qu’il est rapidement renvoyé, et ensuite Dupraz est arrivé.
Tu comprends vite qu’il ne compte pas sur toi ?
Au début je ne le savais pas, même si je m’y attendais. La relation était ok, rien de spécial, nous avons eu quelques incompréhensions à un moment mais c’est courant dans le sport. C’est normal d’avoir parfois des disputes, des incompréhensions. J’ai eu quelques possibilités de me montrer au début, mais ça n’a pas marché.
En France, c’est le genre d’entraîneur qu’on adore ou qu’on déteste…
Oui, je vois ce que tu veux dire (rires)… Il est comme ça, oui. En décembre de ma dernière saison, j’ai compris que je n’allais pas jouer beaucoup de matchs à Caen et que j’avais besoin de partir lors du mercato d’hiver, d’avoir du changement. Mais à cause du Covid, tout est vite devenu très compliqué.
Avec le recul, qu’est-ce qui n’a pas marché pour toi à Caen ? Tu étais performant aux entraînements et avec la réserve, tout le monde voyait tes qualités, mais tu n’as jamais réussi à être au niveau auquel tu étais attendu avec les pros.
Je pense que ça a surtout été un problème physique. Dans les championnats en France, il y a beaucoup de joueurs costauds, et je pense que le problème est surtout venu de là car je suis plus petit, plus technique. Je sais que tout le monde s’attendait à ce que je montre plus que ce que j’ai montré, j’en suis bien conscient, et je prends l’entière responsabilité de tout ça. Mais je peux garantir que j’ai beaucoup progressé. Si je compare ma première et ma troisième année à Caen, je peux garantir que j’étais bien meilleur à la fin. J’étais bon aux entraînements, j’ai donné le meilleur de moi-même. Mais à la fin, les entraîneurs font leurs choix.
« Je sais que tout le monde s’attendait à ce que je montre plus que ce que j’ai montré et je prends l’entière responsabilité de tout ça. Je pense que ça a surtout été un problème physique. »
Jan Repas
Joue désormais milieu défensif en coupe d’Europe.
Tu disais un peu plus tôt avoir beaucoup appris à Caen. Que retiens-tu de ces trois années ?
La première chose que j’ai apprise, c’est comment être seul dans un pays étranger. Ma première saison j’étais un gamin, et au bout de ma troisième et dernière année, j’avais de l’expérience, j’étais plus mature. Ça m’a beaucoup aidé d’être seul avec moi-même en France. Et sur le plan du football, j’ai appris à ne pas perdre trop de duels, à être plus fort dans les duels. Je ne changerais rien de ce que j’ai vécu à Caen, parce que ça a été une très belle expérience pour moi. Les gens du club et autour du club ont tous été très bien avec moi.
Tu continues de suivre Malherbe depuis ton départ ?
Oui bien sûr, je ne peux pas regarder les matchs mais je suis les résultats sur SofaScore. C’est dommage que beaucoup de joueurs aient changé, je n’en connais plus beaucoup mais je garde des liens avec certains. La saison après que je sois parti a été dure, mais je sais que lorsque tu descends de Ligue 1 en Ligue 2, c’est très difficile, notamment mentalement. Et c’est très difficile de jouer en Ligue 2, je le sais moi-même. Caen mérite d’être en Ligue 1, et le club peut le faire avec toute l’expérience qu’ils ont. Simplement, les joueurs et le coach ont besoin de temps, pour bien se connaître.
Tu as 25 ans, tu as retrouvé la sélection au mois de juin : ça te plairait de retenter ta chance à l’étranger ?
Je suis très heureux à Maribor où j’ai joué presque tous les matchs depuis deux ans, mais je ne terminerai pas ma carrière ici. Je veux plus que ça, j’ai envie de rejouer dans un meilleur championnat, de vivre de nouveau une telle expérience. Ce sera peut-être pour cet été, si je joue bien, que mon club est d’accord et que je trouve une bonne opportunité en-dehors de Slovénie. Ça peut aussi être cet hiver, dans un an, je ne sais pas. Mais je l’espère.
Les supporters du Stade Malherbe t’appréciaient beaucoup, tu le ressentais peut-être au stade, en ville ou sur les réseaux sociaux. As-tu un dernier mot à leur adresser ?
Je l’ai senti, et je pense qu’ils reconnaissaient que je faisais de mon mieux et que je donnais le maximum pour le club. Je suis heureux que les supporters l’aient vu et qu’ils m’aient aimé en retour, parce que j’ai fait tout ce que j’ai pu pour aider le club. En fait la Normandie me manque un peu, la ville de Caen… Ça a été trois très belles années pour moi, dans ce club, dans cette ville. J’ai rencontré beaucoup de gens bien au club, et aussi parmi les supporters. Donc j’ai envie de leur souhaiter le meilleur pour le futur, en espérant que le club soit rapidement de retour en Ligue 1. J’ai aussi envie d’insister sur le fait que tout le monde au club a toujours été très bien avec moi, le président, le directeur sportif, les entraîneurs… Nous avions une très bonne relation. Et à la fin, quand j’ai eu envie de partir à Maribor, ils m’ont laissé partir sans jamais compliquer les choses et je leur en suis reconnaissant.