Depuis mercredi, Jean-Marc Furlan est officiellement le nouvel entraîneur du Stade Malherbe Caen. Si le nom évoque forcément quelque chose à tous les fans de football, l’homme et sa méthode méritaient des éclaircissements. Nous avons interrogé deux supporters de l’AJ Auxerre, aux avis parfois différents, pour en savoir plus sur sa philosophie de jeu, sa gestion des jeunes et son caractère.
La philosophie de jeu
Pierre-Antoine Capton ne s’en est pas caché en conférence de presse : la réputation de Jean-Marc Furlan, connu pour bien faire jouer ses équipes au football, a été un critère fondamental à l’heure de choisir le nouveau coach du Stade Malherbe. Mais que pensent les supporters de l’AJ Auxerre du jeu proposé par leur ancien entraîneur ? « J’ai souvent pris mon pied à l’Abbé Deschamps sous Furlan. Sur ces trois saisons en Ligue 2, je n’ai que du positif à retenir. On était l’équipe qui jouait le mieux au ballon » explique Simon, visiblement conquis. « Jean-Marc Furlan, c’est un jeu de possession avec des cheminements bien spécifiques, mais qui peuvent parfois être stéréotypés. C’est ce qu’il appelle ses protocoles. Il faut tout de même reconnaitre que l’on a vu de beaux mouvements » poursuit Panenk’AJA.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes, puisqu’Auxerre n’a été devancé que par l’impressionnant Toulouse au classement des meilleures attaques, lors de ses deux dernières saisons en Ligue 2 : « Sa philosophie est de dire que si on prend un but, ce n’est pas grave, on en mettra deux. Quand il mène, il ne fera jamais entrer de défenseur pour cadenasser et conserver le score. Il préfère continuer à attaquer pour marquer un but de plus » décrit Simon. Les supporters malherbistes ne devraient donc plus voir leur équipe évoluer dans le tant décrié 3-5-2, parfois mis en place par Stéphane Moulin : « Pour sa première saison, Furlan est parti sur un 4-2-3-1. C’était plutôt un 4-1-4-1 à partir de la deuxième saison et il n’a plus jamais changé par la suite » expliquent les Auxerrois.
L’effet Furlan, en combien de temps ?
En conférence de presse, Pierre-Antoine Capton a affiché un objectif ambitieux pour la première saison de Jean-Marc Furlan à la tête du Stade Malherbe : faire mieux que la 5e place obtenue en 2023, et ce malgré la concurrence renforcée par les descentes de quatre clubs de Ligue 1. Cette ambition peut-elle être compatible avec la méthode mise en place par Furlan, qui a eu besoin de trois saisons pour monter avec ses deux précédents clubs (Brest puis Auxerre) ? « Furlan a commencé à mettre sa patte en place lors de la première année, avec un effectif dont il avait hérité et qui ne correspondait pas forcément à ce qu’il voulait. La deuxième saison, il a recruté Autret et c’est là que le projet de jeu a réellement commencé à voir le jour » explique Panenk’AJA.
Pour Simon, les supporters caennais vont devoir faire preuve de patience avant de constater les premiers effets sur le terrain : « Je pense qu’il ne faut pas trop attendre de la première saison, le temps qu’il imprime sa patte. Il demande des choses tellement compliquées pour la tête de certains joueurs qu’il faut être patient. Il faut surtout voir si les joueurs de Caen ont le logiciel Furlan. » Mais selon lui, pas de doute, c’est l’homme qu’il fallait aux Normands pour retrouve la Ligue 1 le plus rapidement possible :« Je pense que c’est le meilleur choix que Caen pouvait faire. Après, est-ce qu’il aura les joueurs qu’il veut pour mettre en place un jeu basé sur la possession ? C’est la question. Mais en trois ans chez nous, il a réussi à faire trois fois le meilleur classement d’Auxerre sur les dix dernières années. »
Les limites de la méthode Furlan
Si Jean-Marc Furlan prône un jeu séduisant offensivement, sa méthode affiche tout de même quelques limites, qui ne sont pas sans rappeler celles que pouvaient afficher le Stade Malherbe la saison dernière : « On avait beaucoup de mal face aux blocs bas. Par exemple, le Dunkerque de Fabien Mercadal, on ne l’aimait pas vraiment (rires). Si l’équipe n’est pas très joueuse en face, c’est plus compliqué » lance Panenk’AJA. En revanche, une chose change littéralement entre Stéphane Moulin et Jean-Marc Furlan : quand le premier juge nécessaire d’avoir une bonne assise défensive avant de construire vers l’avant, le second se focalise quasi exclusivement sur les phases offensives.
« Furlan ne bosse pas la défense, mais uniquement les cheminements offensifs » regrette Panenk’AJA. « Il a une façon de jouer et même si tout se passe mal, il ne va pas s’adapter. Quand on a pris 6-0 contre Toulouse, l’alignement défensif était catastrophique. Il voulait que l’on presse haut, mais ça ne marchait pas. On se faisait transpercer par les passes de Van den Boomen. À aucun moment, il n’a changé ses plans pour avoir une attitude plus prudente ». Un constat que partage Simon : « On a joué très haut sous Furlan, donc on se retrouvait parfois en difficulté derrière. Sur 90% des buts encaissés, on s’est fait prendre dans le dos lors de contre-attaques. »
La gestion des jeunes
Question brûlante durant l’ère Moulin, la gestion des jeunes devrait encore alimenter les débats sous Jean-Marc Furlan. Avec Norman Bassette (18 ans), Mohamed Hafid (18 ans), Brahim Traoré (19 ans), Andréas Hountondji (20 ans) ou Ilyes Najim (20 ans), le centre de formation du Stade Malherbe aura des arguments à faire valoir. Mais sur ce sujet, le nouvel entraîneur malherbiste semble avoir une vision proche de son prédécesseur : « Jean-Marc Furlan est très frileux sur le lancement des jeunes. C’est souvent quand il n’a pas d’autres choix qu’il se décide à le faire. Cette saison, un joueur comme Norman Bassette n’aurait certainement pas joué chez vous » explique PanenkaJA. Son de cloche légèrement différent chez Simon : « Je pense que Furlan est capable de faire confiance aux jeunes, mais tu n’as pas trop le droit à l’erreur. L’année dernière, il a mis Alexis Trouillet, 21 ans, titulaire au coeur de son projet. En privilégiant l’expérience, il protège aussi les jeunes joueurs. Moi ça ne m’a pas choqué car si on est monté en Ligue 1 c’est plus grâce à Autret et Charbonnier, donc il a eu raison dans son choix. »
Un caractère bien trempé
« Pour vous les journalistes, ce sera une chance immense car Jean-Marc est un vrai personnage » ne cachait pas Pierre-Antoine Capton en conférence de presse. Malgré ses frasques (insultes, doigts d’honneur), les supporters auxerrois gardent le souvenir d’un homme avenant et proche du public : « C’est quelqu’un de très sympathique, qui vient dire bonjour aux supporters. Tu peux facilement discuter avec lui. C’est un personnage attachant même avec ses excès » explique Panenk’AJA. « Pour avoir déjà parlé avec lui, c’est un amoureux de football. J’ai beaucoup d’estime pour cet entraîneur. Je suis persuadé ça peut marcher à Caen qui est une ville de foot avec de la ferveur. Lors de la montée avec Auxerre, tout le monde lui a sauté dans les bras. Il avait ses chants à lui dans le kop » continue Simon.
Si les supporters malherbistes devraient donc apprécier le personnage, qu’en sera-t-il de ses collègues de travail ? Le technicien de 65 ans a plutôt laissé de bons souvenirs chez les joueurs qu’il a dirigés, dont certains l’ont déjà appelé pour signer à Caen : « C’est quelqu’un de très apprécié par les joueurs. J’ai rarement vu un vestiaire aussi heureux que sous Furlan. Après, il est un peu fou dans sa tête parce qu’il est passionné » explique Simon. Alors que Stéphane Moulin est parti en désaccord avec son président, l’entente entre Jean-Marc Furlan et Olivier Pickeu sera forcément surveillée de près : « C’est quelqu’un sans filtre, sans langue de bois, avec un fort caractère. À Auxerre, il a réussi à avoir la tête de son président et de son directeur sportif. Si ça se passe mal avec Olivier Pickeu, il n’hésitera pas à lui balancer dans la gueule en conférence de presse » explique Panenk’AJA. Gageons pour le Stade Malherbe que tout se passe pour le mieux !